Les TCC : un courant majeur de la psychothérapie

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Depuis une dizaine d’années, de plus en plus de thérapies cognitivo-comportementales (dites “TCC”) sont proposées par les psychiatres et les psychologues pour soulager le mal-être de leurs patients. Ces thérapies ont connu différentes grandes vagues d’évolution et constituent aujourd’hui une alternative pertinente et efficace à la psychanalyse. Mais à quoi correspondent exactement ces TCC et comment fonctionnent-elles ?

Les TCC se basent sur le constat suivant : la manière dont nous percevons les choses dépend de notre état d’esprit, de notre histoire de vie personnelle et de nos expériences passées. A chaque fois que nous adoptons une attitude plutôt qu’une autre face à une situation, cette attitude choisie se renforce et va avoir tendance à constamment se mettre en place. C’est ainsi que, plus un schéma se répète, plus la pensée qui le constitue et le comportement qui en découle s’automatisent. C’est par ce renforcement progressif que peuvent s’installer des dysfonctionnements dans notre système de pensées, dans notre manière de percevoir le monde et d’interagir avec lui.

Quels sont les objectifs des TCC  ?

Comme l’indique son nom, la thérapie cognitivo-comportementale se base sur les interactions entre votre façon de penser (c’est l’aspect cognitif) et votre façon de vous comporter (c’est l’aspect comportemental). La toute dernière vague d’évolution des TCC s’intéresse également à vos émotions qui découlent de ces pensées et de ces comportements (c’est l’aspect émotionnel: peur, anxiété, etc.).

La TCC peut viser deux objectifs différents. Elle va :

– soit vous aider à désapprendre un apprentissage problématique (vous débarrasser de pensées et comportements inadaptés qui font naître chez vous des émotions négatives).

– soit vous aider à intégrer un apprentissage bénéfique qui n’a pas été appris (renforcer des schémas de pensée différents plus positifs, vous confrontez à vos phobies pour vous en débarrasser etc.). Elle tente de vous familiariser avec des aspects cognitifs et comportementaux susceptibles de favoriser chez vous une pensée positive. La TCC vous amène à percevoir les choses différemment afin que vous puissiez les penser, les vivre et les ressentir plus sereinement.

L’objectif de la TCC n’est donc pas de radicalement transformer tout
votre schéma de pensées mais simplement de l’assouplir pour diminuer votre souffrance : croire dur comme fer à une idée implacable qui génère constamment de la tristesse chez nous, n’est-ce pas handicapant? Ne serait-il pas plus apaisant d’accepter qu’il existe d’autres manières plus positives et plus épanouissantes de nous percevoir nous-même et de percevoir les autres ?

Comment les TCC fonctionnent-elles ?

1) Réaliser une analyse fonctionnelle des pensées, comportements et émotions du patient

Afin de pouvoir vous amener à ces différents changements, le thérapeute
TCC va tout d’abord tenter d’identifier les schémas dysfonctionnels de
votre pensée
qui sont à l’origine de votre souffrance. En effet, nous avons tous une manière de penser qui nous est propre et qui a été alimentée et renforcée au fur et à mesure de notre vie, de nos expériences passées…. Ainsi, face à une même situation, il y a finalement mille façons différentes de penser et de réagir ! Le thérapeute va donc vous amener à prendre conscience et à analyser vos pensées, vos émotions et vos comportements inadaptés récurrents puis à déceler comment ils se renforcent. Après cette analyse préalable, appelée “analyse fonctionnelle”, il vous aidera à travailler dessus,
à les remodeler, à les rendre plus adaptés c’est-à-dire moins douloureux
pour vous.

2) Etre dans la collaboration, la pédagogie et l’interactivité

La relation thérapeutique avec votre psychologue est collaborative, c’est-à-dire que vous définissez ensemble les objectifs que vous souhaitez atteindre au terme de votre thérapie et vous construisez conjointement la stratégie nécessaire pour y arriver : un certain nombre de séances prédéfinies, des exercices à faire ensemble durant la séance ou chez soi entre chaque consultation etc. Ces séances et ces exercices vont vous permettre progressivement de renforcer des comportements adaptés face à des situations difficiles et de désamorcer des symptômes invalidants (émotions négatives, stress, phobies, réactions agressives, pensées erronées, souffrance psychique, etc.).

La TCC se veut pédagogique et interactive : le but est que le patient puisse en apprendre sur lui-même et sur son fonctionnement grâce à une thérapie l’engageant tout autant que son thérapeute. Les deux protagonistes de ces séances sont dans un échange interactif : exercice construit et réalisé ensemble, thérapeute rebondit sur les propos du patient et vice-versa, les nouveaux ordres du jour peuvent être établis par le psychologue mais aussi par le patient pour chaque séance.

3) Les différents exercices proposés en TCC

  • les exercices comportementaux : ils ont pour objectif de développer de nouveaux comportements plus bénéfiques (affirmation de soi, etc.).
  • les exercices émotionnels : ils entraînent les patients à mieux
    reconnaître et à accepter la naissance de leurs émotions dans
    l’optique de mieux les réguler.
  • les exercices cognitifs : ils tentent de relever et analyser les
    croyances et les pensées inadaptées et irréalistes, de les
    assouplir, de les déconstruire et de les remplacer par des pensées
    plus fonctionnelles.
  • les exercices corporels : ils sont spécifiquement centrés sur le corps (rythme cardiaque, respiration, etc.) et visent à apprendre au patient à se détendre physiquement et psychologiquement.

4) Le cadre de travail des TCC

Les TCC sont appelées des “thérapies brèves”, en opposition aux thérapies longues proposées par exemple par la psychanalyse. Une thérapie cognitivo-comportementale dure généralement de quelques semaines à quelques mois. Elle peut bien évidemment être plus longue lorsque la problématique de la personne est particulièrement lourde et perdure depuis longtemps.

Concernant les séances en elles-mêmes, elles sont fixées une à deux fois par semaine afin que le travail thérapeutique réalisé puisse être régulier. Elle dure de 30 min à 1h en thérapie individuelle mais peut-être plus longue en thérapie de groupe.

Une TCC peut être très utile et efficace à une période de la vie pour traiter une problématique précise. Bien évidemment, il existe d’autres types de psychothérapies (psychanalyse, etc.). Chacune d’elle présente ses intérêts, ses avantages et ses limites. Expérimenter différents types de psychothérapies au cours de son existence permet de tester quel courant théorique et quel cadre sont les plus adaptés à vos besoins, votre caractère etc. Ces derniers peuvent varier au cours de votre existence et donc nécessiter des prises en charge différentes selon votre évolution. Par exemple, une TCC peut être très indiquée pour se débarrasser d’une phobie mais une psychanalyse conviendra peut-être davantage pour comprendre des événements douloureux qui se sont déroulés durant l’enfance.

Consultez un psychologue

Un exemple concret de distorsion cognitive

Prenons l’exemple typique d’une situation courante : une jeune femme (appelons-là Jenny) attend son compagnon qui est en retard à leur rendez-vous. Durant cette attente, des dizaines de pensées différentes peuvent jaillir dans la tête de Jenny pour tenter de comprendre cette situation : il a eut un accident, il me trompe, il est débordé de travail…. Ces pensées vont être alimentées par les expériences concrètement vécues par la jeune femme  (”mon ex m’a déjà trompé donc je suppose automatiquement que son retard est dû à une infidélité” ou encore ”une fois un ami n’est jamais venu à notre rendez-vous car il s’est fait renversé par une voiture, je suppose donc automatiquement que mon conjoint a eut un accident” etc). Elle va donc se forger ce que les psychologues appellent une “théorie profane” pour tenter de s’expliquer la situation. Chaque personne développera automatiquement sa propre théorie pour tenter de mettre du sens sur un événement.

Le thérapeute va donc reprendre avec le patient les différentes scènes marquantes de sa vie où il a eu tendance à ressentir des émotions négatives récurrentes : colère, tristesse, anxiété, etc. Puis en partant de ces émotions, il va tenter de comprendre qu’est-ce que le patient s’est dit, quelles pensées lui ont traversé l’esprit face à cette situation. En effet, bien souvent, ce n’est pas tant la situation en elle-même qui est douloureuse mais les pensées automatiques que nous lui attribuons. Si nous reprenons l’exemple de Jenny, il sera moins pénible pour elle de penser que son conjoint est retard à cause d’une panne de métro plutôt que d’imaginer qu’il est avec une autre femme ou bien qu’il est gravement blessé. Plutôt que d’être en proie à de l’anxiété, de la colère ou de la tristesse, elle ressentira tout au plus un peu d’impatience.

Selon la pensée qui lui viendra en tête et l’émotion qui en découlera, son comportement adopté face à la situation sera lui aussi différent : si elle soupçonne son partenaire d’être infidèle, cela générera certainement chez elle de la colère et son comportement sera ainsi plus agressif, conduisant probablement à un conflit de couple. C’est donc bien sa perception du monde qui va alimenter une émotion et un comportement plus ou moins inadapté, plus ou moins susceptible de déclencher de la négativité dans la relation à soi et aux autres.

Les différents schémas qui font dysfonctionner notre pensée

Le psychiatre français J. Palazzolo, spécialiste des TCC, nous donne les
principaux schémas de pensée négative :

  • La pensée dichotomique : c’est le fonctionnement en « tout ou
    rien ». Vous ignorez les nuances d’un événement, et s’il ne répond
    pas à vos attentes sur tous les plans, alors c’est un échec
  • La sur-généralisation : vous établissez des règles générales du
    fonctionnement de votre vie à partir de la tournure négative que
    prend un seul événement
  • L’abstraction sélective : vous ne retenez que le côté négatif
    des choses
  • La disqualification du positif : vous transformez les choses,
    même positives, de manière à ce qu’elles apparaissent comme des
    éléments négatifs
  • L’inférence arbitraire : vous tirez des conclusions sans réelles
    preuves
  • La maximalisation de vos erreurs et la minimisation de vos
    réussites
  • Le raisonnement émotionnel : vos sentiments font office de
    preuves à votre raisonnement
  • Les fausses obligations : vous vous fixez arbitrairement des
    objectifs jusqu’à culpabiliser de ne pas les avoir atteints
  • L’étiquetage : vous portez des jugements chargés de valeur
    émotionnelle et définitifs
  • La personnalisation : vous vous sentez responsable du
    comportement des autres

Ces différents modes de pensée sont appelés les Distorsions Cognitives : ce sont des pensées automatiques qui s’imposent à votre esprit et facilitent l’émergence d’émotions négatives. Ces pensées se basent sur des réflexions défaillantes et entretiennent la crainte des situations anxiogènes. C’est pourquoi elles mènent indirectement à adopter des comportements d’évitement.

Les distorsions cognitives et le comportement d’évitement sont particulièrement observables dans le trouble phobique : j’ai peur de l’eau, j’évite donc toujours de m’approcher du lac. Cet évitement est très bénéfique sur le court-terme puisqu’il fait diminuer mon angoisse instantanément et m’apporte un soulagement immédiat dès que je m’éloigne. Du coup, j’ai tendance à répéter encore et encore cet évitement qui fait descendre mon anxiété efficacement et qui vient renforcer dans ma tête que l’eau est dangereuse pour moi et qu’il vaut mieux s’en éloigner. Mais ce raisonnement est erroné : les pensées (”l’eau est dangereuse”), les comportements (”je m’éloigne de l’eau”) et les émotions (”je suis anxieux près de l’eau”) qui sont liés à cette situation s’avèrent dysfonctionnels. Malheureusement, plus ils perdurent, plus ils se renforcent mutuellement et viennent consolider cette phobie.

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Plus ces distorsions perdurent dans le temps, plus elles s’ancrent profondément en nous comme des vérités inébranlables, rendant le travail d’assouplissement de la pensée plus difficile. D’où l’intérêt de consulter un psychologue sans attendre dès que ces troubles font surface. Il vous aidera à reconnaître ces erreurs de pensée et à les modifier.

A qui s’adressent les TCC?

Les TCC sont particulièrement adaptées et efficaces pour toute personne souffrant :

des troubles de l’humeur (dépression…) lorsque ces troubles sont relativement atténuées et que la personne est parallèlement traitée de manière médicamenteuse (antidépresseurs, etc.).

de troubles anxieux : sont inclues les phobies spécifiques, l’état d’anxiété généralisé,  le trouble panique, les TOCS, l’état de stress post-traumatique..

les schizophrénies et des troubles envahissant du développement : la TCC va notamment travailler sur les aspects de remédiation, d’acquisition des habiletés sociales et de la gestion des émotions.

De manière générale, les TCC s’adressent également à toute personne désirant mieux connaître et comprendre son fonctionnement, souhaitant soulager une souffrance qui entrave son épanouissement personnel et étant capable de s’investir dans un travail thérapeutique. Par ailleurs, les TCC sont adaptées à tous les âges : enfant, adolescent, adulte et personnes âgées.

Petit point historique sur les TCC

Les premières TCC apparaissent dès les années 1920 avec le Behaviorisme (NB : “_behavior”_  signifie “comportement” en anglais). Elles se centrent ainsi essentiellement sur le comportement (comment déclencher tel ou tel comportement et comment le modifier). La première vague des TCC ignorent encore totalement la sphère mentale.

C’est seulement trente ans plus tard que les notions de raisonnement et de perception seront introduites dans les thérapies qui deviennent “cognitives ET comportementales”. Cette seconde vague des TCC s’intéresse aux pensées et aux croyances irrationnelles et dysfonctionnelles des personnes. Ces schémas inadaptés viennent générer chez elles de la souffrance. Parmi les exemples récurrents de pensées inadaptées, on retrouve souvent : “personne ne pourra jamais m’aimer”, “les hommes sont tous tous infidèles”, “j’ai besoin que tout le monde m’aime pour pouvoir être heureux”, “les gens célibataires sont moins heureux que les gens en couple” etc.  Le but de la TCC est alors de modifier ces pensées négatives, d’assouplir le fonctionnement cognitif de manière générale et de diminuer ainsi la souffrance de la personne.

La troisième vague des TCC voit le jour dans les années 1990 : elle intègre l’affectivité (les sentiments, émotions et motivations) dans le  processus thérapeutique. C’est dans ce dernier courant que l’on voit notamment apparaître :

  • La thérapie basée sur la pleine-conscience, qui s’inspire de la
    méditation. Elle vise l’acceptation de soi en encourageant la
    focalisation sur le moment présent  et sans porter de jugement de
    valeur ;
  • La thérapie ACT (de l’acceptation et de l’engagement), qui vise
    la flexibilité psychologique par l’acceptation des pensées, images
    et émotions désagréables.

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Références :

  • Bouvet, C. (2016). De l’autonomie au pouvoir d’agir dans les
    thérapies cognitivo-comportementales. Pratiques en santé mentale,
    62e année,(3), 51-54. doi:10.3917/psm.163.0051.
  • Kotsou, I. & Heeren, A. (2011). Pleine conscience et acceptation:
    Les thérapies de la troisième vague. Louvain-la-Neuve, Belgique: De
    Boeck Supérieur. doi:10.3917/dbu.kotso.2011.01.
  • Palazzolo, J. (2016). Les thérapies cognitives et comportementales.
    Paris: Presses Universitaires de France.