Qu’est-ce que le suicide ?

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Le suicide est la troisième cause de mortalité en France. Cette action de mettre volontairement fin à ses jours peut soulever de nombreuses angoisses et questionnements. C’est en effet un passage à l’acte radical qui va à l’encontre de l’instinct de survie si profondément ancré en nous. Qu’est-ce que le suicide exactement ? Comment en arrive-t-on à un acte suicidaire et que pouvons-nous faire pour protéger au mieux les autres d’un tel risque ?

Définition du suicide

Étymologiquement, “suicide” vient du latin ”sui” (signifiant ”de soi”) et ”caedere” (signifiant “tuer”).

La définition du suicide sera fortement influencée par la tradition particulière de la société dans laquelle elle s’inscrit. En effet, certaines cultures jugent très négativement le suicide, ce qui se ressentira dans la définition qu’elles en donnent. R. B. Brandt (1975) décrit avec neutralité et précision ce qu’est le suicide: ”c’est l’acte qui a pour effet la mort d’une personne et dont l’intention est soit d’en finir avec la vie, soit de produire un nouvel état de choses (comme le soulagement de la douleur) dont le sujet pense qu’il ne peut être atteint qu’au moyen de la mort”.

Le suicide est donc le geste volontaire, intentionnel et délibéré de provoquer sa propre mort. On note la redondance dans l’expression se suicider, qui intensifie encore la dimension paradoxale du geste de s’ôter la vie.

Il est important de distinguer le suicide dit “réussi” ou “consommé” de la tentative de suicide. Cette dernière n’a pas la même définition puisqu’elle est davantage un appel au secours mis en place par le sujet désespéré afin d’être aidé, de survivre. Par contre, lorsqu’il est question de suicide “consommé”, le sujet a mis un terme à sa vie. Si ces deux actes sont différents, ils peuvent néanmoins être réalisés par la même personne. En effet, il n’est pas rare qu’une tentative de suicide soit réitérée une ou plusieurs fois et qu’elle puisse conduire à un suicide “consommé”. Des antécédents d’actes suicidaires méritent donc une vigilance particulière de la part des proches et de l’équipe soignante (psychiatre, psychologue, etc).

Le suicide en quelques chiffres

La difficulté d’identifier l’acte après-coup rend l’estimation de sa prévalence approximative. En 2005, l’INSEE a néanmoins réalisé des statistiques quant au suicide :

  • Un million de personnes par an se suicident dans le monde, c’est
    à peu près une personne toutes les quarante secondes.
  • On compte plus de suicides chez les hommes que chez les femmes,
    bien que les tentatives de suicide soient plus souvent effectuées
    par celles-ci.
  • C’est la troisième cause de mortalité en France après les
    maladies coronariennes et le cancer. Chez les 35-49 ans, le suicide
    est la première cause de mortalité. Elle arrive en deuxième chez les
    15-24 ans.
  • On remarque des augmentations de sa prévalence pendant les
    périodes de crises économiques.
  • Le mariage est un facteur protecteur chez les hommes et de
    risque chez les femmes. L’inverse s’observe à propos du divorce.
  • Il concerne davantage de personnes inactives que de salariés.
    Cependant, cette observation varie avec le temps : ce serait donc
    les représentations attachées à l’inactivité professionnelle
    aujourd’hui qui serait à la source de cette prééminence.
  • Les passages à l’acte suicidaires interviennent davantage le
    soir
    et durant la saison printanière.

Comment en arrive-t-on au suicide ?

L’idée suicidaire apparaît devant une incapacité à surmonter un conflit et l’impératif de ne plus y penser. Le suicide est alors envisagé comme la seule solution pour échapper à la souffrance que cette crise irrésolvable induit. Le sujet est réellement traversé par la douleur et le désespoir qui sont vécus comme des sentiments insurmontables.

Les différents facteurs

Facteur aggravant

Une des hypothèses quant à l’origine du passage à l’acte serait un dysfonctionnement du système de neurotransmission sérotoninergique causant une instabilité émotionnelle. Ce dysfonctionnement peut-être provoqué par différents facteurs aggravants :

Certaines pathologies mentales favorisent davantage ce passage à l’acte :

  • L’épisode dépressif : au cours d’une dépression, le risque est multiplié par quinze, notamment pendant un accès mélancolique du trouble bipolaire.
  • La schizophrénie (dissociation de la personnalité) :
    dans ce trouble, le risque suicidaire se caractérise par la présence
    d’idées mortifères, de comportements auto-agressifs, de conduites
    addictives qui sont tous des aspects facilitant le passage à l’acte
    suicidaire. On observe ainsi une moyenne de trois ou quatre
    tentatives de suicide chez les patients schizophrènes. En effet,
    le caractère impulsif de la personnalité schizophrénique
    favorise l’acte à la pensée. On parle de suicidose pour qualifier
    la répétition des conduites suicidaires.

Certains contextes de vie constituent également des sources de
risque :

  • La détention carcérale : l’incarcération est une épreuve
    relativement violente conduisant à beaucoup d’isolement social. La
    prévalence de traits psychopathiques (impulsivité et conduites
    addictives) se constate.
  • Un environnement de travail inadapté :
    le travail cause aujourd’hui des problématiques d’identité et de
    souffrance propre à la contrainte de productivité. Cette dernière
    peut être si intense et prolongée qu’elle vient déborder les
    défenses du sujet.
  • Une maladie grave diagnostiquée : telle que le VIH, le cancer, les troubles neurologiques…
  • La période de l’adolescence : c’est une étape charnière du
    développement où la problématique de l’identité peut soulever celle
    de la maîtrise de sa vie.

Facteur déclencheur

Les facteurs déclencheurs sont variés et prennent des formes différentes selon les personnes. Parmi elles, on retrouve :

  • Un facteur de stress choquant (par exemple : subir la perte
    soudaine d’un proche, être victime d’une agression ou d’un autre
    événement traumatisant).
  • Une accumulation de facteurs de stress (par exemple : de
    lourds soucis au travail auxquels viennent s’ajouter un problème de
    santé, des difficultés scolaires qui s’accumulent avec une rupture
    amoureuse…).
  • Un facteur de stress chronique (par exemple : des conflits
    relationnels qui perdurent avec ses enfants ou avec son conjoint, un
    stress au travail qui perdure voire qui s’aggrave…).
  • Des facteurs de stress en série (par exemple : un divorce qui
    entraîne une baisse du niveau de vie, la perte du logement, plus
    d’isolement social, moins de contacts avec ses enfants…).

L’ensemble de ces facteurs vient ainsi vulnérabiliser, fatiguer, déséquilibrer l’état psychique. Si ces facteurs perdurent dans le temps, que les problèmes qu’ils soulèvent ne trouvent pas de solution, que la personne ne demande pas ou ne reçoit pas d’aide, il est possible que le stress s’accumule sans être évacué jusqu’à générer une tension insoutenable. La personne ne peut plus s’adapter, ses mécanismes habituellement mis en place pour gérer le stress ne sont plus assez efficaces pour surmonter la situation. Un débordement psychique peut alors survenir, l’état de crise est imminent et le passage à l’acte pourra intervenir suite à un facteur précipitant.

Facteur précipitant

Le facteur précipitant peut lui aussi prendre une multitude de formes et ne sera pas le même d’une personne à l’autre. De l’extérieur, ce facteur est un événement pouvant sembler banal et anodin mais il sera vécu par le sujet comme un véritable raz-de-marrée. Son état de vulnérabilité psychique est tel qu’il ne pourra plus supporter la moindre source de stress ou de négativité additionnelle. Symboliquement, ce facteur précipitant représente “la goutte d’eau qui fait déborder le vase”. La conduite suicidaire semble alors la seule alternative pour se soustraire à ce déferlement de tension et obtenir de l’apaisement. D’autres actes auto-agressifs (comme la mutilation) ou hétéro-agressifs (violences sur les autres) peuvent également apparaître comme des solutions immédiates pour évacuer la tension et affronter la crise en question. Bien sûr, ces comportements ont de nombreuses conséquences négatives et ne peuvent soulager durablement la personne.

Point de vue psychanalytique

Le suicide peut être compris comme une tentative d’élaboration d’une souffrance morale qui ne trouve aucune autre issue, mais il ne peut être conçu en dehors du domaine du pathologique. En effet, S. FREUD (1915) disait que “le Moi ne peut se tuer que lorsqu’il peut […] se traiter lui-même comme un objet, lorsqu’il lui est loisible de diriger contre soi l’hostilité qui concerne cet objet”.

Comment la crise évolue-t-elle en passage à l’acte?

La tentative de suicide se fait rarement instantanément. Généralement, la personne a suivi un processus progressif qui a fini par la mener à l’acte suicidaire. Ce processus se schématise en 5 étapes :

Etape 1 : Chercher une solution pour apaiser la crise

Avant de se tourner vers l’acte suicidaire, la personne va d’abord tenter d’apporter une solution à sa souffrance. Elle va notamment chercher et lister les différentes possibilités qui s’offrent à elle pour affronter la crise actuellement traversée. Néanmoins, nous n’avons pas tous les mêmes ressources et les mêmes capacités pour mettre en place des stratégies efficaces face à la souffrance. Certains sauront la résoudre plus ou moins rapidement tandis que d’autres ne parviendront pas à se saisir d’une solution satisfaisante. Ils possèdent initialement une marge d’actions plus réduite (ils ont plus de fragilités psychiques, moins de ressources en eux, ils sont moins entourés…) ou bien ils commencent à s’épuiser à force de tenter des stratégies inefficaces. Durant cette recherche de solutions, le suicide n’est pas encore envisagé.

Etape 2 : Le flash suicidaire et l’apparition d’idées suicidaires

A force que les stratégies mises en place ne fonctionnent pas et que l’éventail de solutions disponibles se réduise, le passage suicidaire peut commencer à devenir un acte envisageable. Il apparaît progressivement comme une solution radicale pour supprimer instantanément la souffrance générée par la crise. L’idée se forme pas à pas dans l’esprit du sujet, elle revient de plus en plus fréquemment et de plus en plus intensément. Un début de scénario suicidaire peut même commencer à s’élaborer de manière diffuse puis se préciser petit à petit.

Etape 3 : La rumination de l’idée suicidaire

La crise perdure, les solutions s’épuisent et la souffrance augmente. Elle finit par  devenir de moins en moins gérable. L’inconfort s’intensifie, tout comme le besoin croissant d’y réchapper. Cette troisième étape est marquée par une angoisse grandissante, générée par la sensation d’être coincé dans un problème sans issue.  L’espoir d’en sortir s’amenuise au fur et à mesure que les stratégies mises en place échouent. L’idée suicidaire revient sans cesse comme l’unique et dernière solution envisageable. Loin d’être considérées
comme apaisantes, les pensées suicidaires ruminées renforcent encore
davantage l’angoisse et la souffrance du sujet.

Etape 4 : La cristallisation et l’élaboration d’un scénario suicidaire

Le désespoir du sujet est à son comble et le suicide est clairement considéré comme la dernière porte de sortie à cette crise. Le scénario à suivre pour mettre fin à ses jours a été pensé et ficelé par le sujet. Il peut avoir prévu la date, l’heure, avoir rédigé une lettre d’adieux… Il a peut-être même déjà prévu certains détails matériels pour passer à l’acte.

Etape 5 : L’élément déclencheur et le passage à l’acte

Prévenir du suicide

Les signes précurseurs

Selon A.T. BECK, un indicateur majeur à prendre en compte pour prévenir du risque de passage à l’acte est la profondeur du désespoir, ce dernier étant entendu comme une expérience émotionnelle et cognitive affectant toutes les perceptions d’un aspect négatif.

Un certain nombre de signes précurseurs indiquent une détresse alarmante chez le sujet. Alliés à différents facteurs de risques, ces signes peuvent être particulièrement préoccupants et méritent toute l’attention de l’entourage. En effet, plus la détresse est importante, plus le passage à l’acte suicidaire sera favorisé.

Le site www.prevention-suicide.lu repère 5 différents types de signes précurseurs :

  1. Psychologiques (anxiété, agressivité, rage, tristesse intense,
    sentiment de désespoir, pessimisme, perte de la libido, humeur
    instable, culpabilité, incapacité à faire des projets, etc).
  2. Biologiques.
  3. Messages émis directement par la personne concernée.
  4. Messages émis indirectement par la personne concernée.
  5. Actions et comportements pouvant prédire un événement suicidaire
    futur.

Comment être vigilant ?

Si vous repérez certains signes précurseurs chez un proche, il est essentiel d’en parler avec lui, de lui manifester votre inquiétude et de lui proposer une écoute attentive et contenante. L’intervention  rapide d’un professionnel de la santé mentale est également très importante pour prévenir des risques suicidaires.  Urgences psychiatriques à l’hôpital, dispositif d’aide par téléphone (SOS Amitié, Suicide Ecoute…), suivi psychothérapeutique à plus long terme en Centre Médico-Psychologique ou chez un psychologie en libéral… Les structures de soutien et de soins sont nombreuses pour vous aider vous et vos proches à prévenir le risque suicidaire et à le réduire.

Le site www.prevention-suicide.lu liste un certain nombre de signes auxquels nous devons être attentifs pour prévenir au suicide :

  • Des ruminations centrées sur la mort.
  • L’élaboration d’un scénario suicidaire (le niveau de réflexion
    pratique permettra d’identifier l’urgence de la menace).
  • Des signes de vulnérabilité psychique, tels que des troubles de
    l’image de soi, un sentiment de désespoir, de la culpabilité et des
    auto-reproches.
  • Des signes d’impulsivité (de l’agressivité, la consommation de
    toxiques ou l’instabilité comportementale).
  • La présence de pathologies psychiatriques, surtout la
    dépression.
  • Les antécédents de tentatives de suicides.

Il est impératif de reconnaître la souffrance chez la personne à risque et de lui offrir un contenant pour qu’elle puisse l’élaborer.

Consultez un psychologue